A la lisière [ PV Rianne]

Les lourdes de portes s'ouvrirent sans un bruit lorsque j'agitai ma baguette. Je sortis et me dirigeai tout de suite vers la Forêt Interdite.

La nuit était tombée depuis déjà plusieurs heures mais n'en formalisai pas plus que cela. Je me fichais bien qu'il fasse nuit, vente, pleuve, neige, du moment qu'elle était au rendez-vous. Rendez-vous que je lui avais donné, bien entendu.

Une lettre toute simple qu'elle avait reçu le matin même. Annonçant que je voulais la voir, le soir, vers Minuit. Je m'étais fait passée pour un admirateur secret, charmeur, drôle et ironique. Bref, le genre de garçon qui incitait à la curiosité.

C'est alors, en relevant la tête et en sortant de mes pensées, que je vis une silhouette sombre, à la lisière des arbres. Je compris instantanément que c'était Lizee McEntry. Ma nouvelle victime. Qui était tombée dans mon piège.

J'accélérai le pas, arrivant vite devant elle. Lizee était vêtue de l'uniforme de Poudlard, entortillée dans une cape. Pour ma part, je portais un discret corset noir et une jupe blanche étincelante, bien visible dans la nuit. Un gilet fris venait compléter l'ensemble.

Elle se rapprocha de moi et je pus distinguer son sourire. Apparemment, elle ne s'attendait pas à ce que cela soit moi... Peut-être croyait-elle à l'admirateur ou à Servilus, venu la rejoindre en apprenant qu'elle était là.

- Qu'est ce que tu fais ici Keith ? me dit-elle calmement.

- Et bien, la même chose qui te fait attendre ici. J'ai rendez-vous. Avec toi, bien entendu. Et non, je ne me fais pas passer pour des jeunes hommes sans raison mais là, j'avais à te parler de manière urgente. Alors, nous allons un peu discuter, si tu n'y pas d'inconvénients...

-Et de quoi voulais-tu me parler ? demanda-t-elle calmement.

J'avais vu son regard un peu abasourdi quelques secondes auparavant mais ne lui fit pas la remarque. Il était normal qu'elle soit étonnée que je sois là. Elle ne s'attendait certainement pas à moi. De plus, elle redevint normal tout de suite après.

Avant de lui répondre, je fis apparaître, d'un coup de baguette, deux confortables fauteuils.

L'un, un peu plus bas que le deuxième, était dans les tons verts, argents et noirs. Un discret serpent s'enroulait sur le tissu, sifflant parfois. Quelques émeraudes en forme de losange constellaient son dossier et ses pieds.
Le second fauteuil, lui, était coloré aux couleurs de Gryffondor. Rouge, orange et or qui faisaient un peu flashy dans la nuit sombre. Pareil que pour le serpent, un lion sur le tissu rugissait. Des rubis apparaissaient sur les accoudoirs, scintillant d'une lumière doré.

D'un geste de la main, je l'invitai à s'asseoir. Mon fauteuil était légèrement plus petit car je me trouvais sur une partie du sol surélevé. Etant donné que je voulais être à la même hauteur qu'elle...

- Cesse de fréquenter Rogue, d'être ami avec lui. Oublie-le, ce fervent admirateur du Lord et adepte de la Magie Noire. Je ne veux plus te voir avec lui. Plus jamais, lâchai-je d'une voix froide.

- Ce que tu me demande, est impossible, même si j'essayais, je n'y arriverais certainement pas...Je ne saurais oublier quelqu'un...Comme lui et qui compte autant pour moi...

J'aimais bien Lizee. Je ne pensais pas être accueilli comme cela par elle, que ses paroles soient si mesurées... Je croyais plutôt que j'allais être sèchement insultée puis qu'elle me demanderait de partir. Ou pire.

Je croisai à mon tour les jambes et la fixai, impassible. Même si je l' " appréciais ", je ne pouvais pas me permettre que Serverus fasse de nouveau des bêtises et qu'il jette la honte une fois de plus sur les Serpentard.
Je savais que c'était débile de faire ça. En fait, je cherchais un prétexte pour faire du mal à Rogue. Voilà, c'était ma vraie raison.

Je n'étais pas normale. Je m'en étais rendue compte, avant. Mes réactions semblaient si excessives pour de simples choses...
J'avais fini par m'habituer, par accepter. Je pensais bien que la Magie Noire avait son rôle mais je m'en foutais. C'était ma vie. Je faisais ce que je voulais. Même me détruire, même détruire les autres.

Je décroisai les jambes. Puis, je dis :

- En quoi il compte pour toi, Lizee ? Tu t'en fiches qu'il soit du côté du Lord ? Qu'il ai insulté Evans ? Tu ne serais pas... Amoureuse de lui ?

- Je ne me fiches pas qu'il soit du côté du..."Lord"...Et je me doute bien que, même si j'essayais de le faire changer d'avis là-dessus, il y aurait très peu de chances que je réussisse...Quand au fait qu'il ait insulté Lily l'année dernière, je pense que tout le monde l'aurait fait si on était à sa place...Et enfin, tu as vu juste, je suis amoureuse de Severus...Il compte énormément pour moi, surtout depuis que je sais que c'est...Réciproque...

Euh... Sur le coup, je restai sans voix, incapable de réagir, de parler. Je laissai échapper un inaudible " Hein ? " avant de me taire complètement.

Mes mains s'agitèrent, passèrent dans mes cheveux lisses, touchèrent mes boucles d'oreilles longues. Je tirai sur ma jupe, tenant de lisser ses nombreux jupons superposés. Je fis rouler ma baguette entre mes doigts plusieurs fois.

Et dans ma tête, je me répétai sans cesse :

" Elle aime Rpgue et c'est réciproque, elle aime Rogue et c'est réciproque, elle aime Rogue et c'est réciproque, elle aime Rogue et c'est réciproque, elle aime Rogue et c'est réciproque. "

Soudain, j'éclatai de rire.

Un énorme éclat de rire franchit mes lèvres. Mélange d'hilarité complète, de discret mépris, de franche méchanceté.

- Attends, tu le crois ? dis-je enfin l'éclat de rire tarit. Tout le monde sait une chose sur Rogue, Lizee. Et cette chose est que Rogue aime Evans. Elle et personne d'autre.

Puis j'haussai un sourcil, septique :

- Tu ne fais donc pas partie de ces gens ? Ces gens, qui vénèrent, adorent la jolie Sang-de-Bourbe ? Intéressant.

- Lily ne m'est pas antipathique, mais ce n'est pas pour autant que je la vénère, ni ne l'adore au point de ne pas pouvoir passer une heure sans son absence...Je passe du Sombral à l'Hippogriffe, mais je ne crois pas que cela soit réciproque avec Severus, j'en suis presque certaine...Et je sais, qu'il aimait Lily, mais il s'est disputé dernièrement avec elle l'autre jour, du moins, c'est ce qu'il m'a dit, et il a arrêté de lui demander qu'elle lui pardonne...

Lily... Ou que je sois, Evans revenait régulièrement dans mon esprit, s'infiltrait dans mes pensées. Elle avait ce petit quelque chose, dans sa beauté, dans son charisme, son innocence presque qui attirait les gens.

Dans un sens, avec ses cheveux auburn, ses yeux verts en amande, ses longs cils noirs comme un écrin à ses émeraudes et faisant danser des ombres sur ses pommettes hautes, ses lèvres pleines rouge cerise...

Oui, Evans méritait cette beauté éphémère qui se tarirait au fil du temps, remplacée par quelque chose de plus commun et plus fade.

Mais là n'était pas la question. Evans avait une influence directe sur les Serpentard ( et autres maisons bien sûr ) et je venais juste de m'en rendre compte, toute à mes vengeances sur Rogue.
Il faudrait que je m'occupe d'elle.

Dans un an et quelques mois, je quitterai l'école comme tous les autres élèves. Pendant ce un an et quelques mois, les gens les plus puissants de ma génération regarderont mes faits et gestes. Ils verront ce que je fais pour régler ce problème où les verts et argents se transforment en agneau et font honte à notre maison. Etant donné mon statue de Princesse des Serpents, charmeuse de vipères, il faut que je règle ceci. Pendant ce un an et quelques mois, il faudra que je montre que ce n'est pas seulement ma beauté de déesse maléfique qui me rend supérieur aux autres.

Ce un an et quelques mois sera un avant goût avant ma vie " active ". Si je voulais faire bonne impression devant les autres, garder les apparences, protéger ma fierté si imposante et mon égo si surdimensionné, il fallait que je le fasse.

Non ?

Je me relevai brusquement, les jupons blancs pur superposés de ma tenu effleurant le sol humide.

- Severus ne t'aime pas, il aime la Sang-de-Bourbe comme un damné. Il a arrêté de lui demander pardon parce qu'il avait bien vu qu'il se ridiculisait et que Evans ne lui pardonnerait pas. Arrête d'espérer, tu me donnes envie de vomir, fis-je d'une voix rauque.

Je me rassis, plus calmement, toute froideur retrouvée.

- Laisse tomber Rogue, ses cheveux graisseux, ses potions et son ambition de puissance. Qu'as-tu à tiré de votre relation ? Il ne sera jamais à toi, il n'est pas amoureux et même s'il était, son coeur est accaparé par la Magie Noire. C'est un poison, noirceur d'ombre qui se distille dans l'âme de ses adeptes...

Elle hocha négativement de la tête puis Lizee fixa ses doigts pendant quelques instants.

Je compris de suite qu'elle ne me croyait pas, que l'Amour ( avec un grand A ) s'était installé dans la vie de la jeune Gryffondor. Qu'elle était aveugle, sourde, à mes prédictions pourtant réelles.
Rogue, que ce soit intentionnel ou pas, avait réussi à ravir le coeur de Lizee.

Satané Rogue.

- De toute façon, les sentiments ne se contrôlent pas...Je ne peux m'empêcher de l'aimer...Il est...Totalement différent des autres, en bien, évidemment, et je suis persuadée qu'il n'est pas du tout ce qu'il laisse paraître ! fit-elle.

Je lui jetai un long regard méprisant. Mes lèvres esquissèrent un lent sourire dédaigneux puis je soufflai, ma voix empreinte de condescendance à son égard :

- Rogue est bien ce qu'il paraît, pauvre sotte. Tu l'aimes, hein ? Et bien... Quand on aime, on fait tout pour que l'autre soit heureux, n'est-ce pas ? En restant avec lui, en tentant de l'éloigner de sa destinée... Tu ne le rends pas heureux. Ce que je dis est vrai. Rogue est dans la Magie Noire, dedans. Que tu sois amoureuse de lui ou pas ne change rien u fait qu'il est modifié son âme à l'image de l'ombre.

Mes mains effleurèrent les jupons blancs, se glissant en dessous de quelques uns. Avec douceur, je retirai une petite clef accrochée à l'un et la sortit, au grand jour. Délicatement ouvragée, en or, elle paraissait fragile et ô combien jolie. Une rose s'enroulait autour du manche, et quelques inscriptions gravées dessus étincelèrent dans la nuit.

- Ceci est la clef du journal de bord de Severus Rogue. Rogue raconte dedans de nombreuse choses. Non pas en s'apitoyant sur son sort, à pleurnicher, ni rien... Non, il dit les sorts qu'il expérimente, ceux qu'il invente. Il exprime aussi ses sentiments envers Evans ( sans mièvreries et heureusement ). Il raconte que tu es d'une bonne compagnie.

Faux. Je ne savais pas si Rogue tenait bien un journal de bord ou pas, mais en tout cas, cette clef ne l'ouvrait pas. Elle ouvrait mon journal de bord à moi ( qui contenait bien des secrets sur les Serpentard ) et ne quittait jamais mes jupons ou mon uniforme. Incassable, et incapable de se dupliquer, elle faisait partie des nombreuses défenses du journal.

Je continuai de susurrer, d'implanter mon venin, d'achever ma proie :

- Si un jour tu souhaites lire la vérité sur Severus Rogue... Demande-le moi. Je te ferais lire les traitements que lui font subir son père, son enfance désastreuse, les blagues des Maraudeurs sur lui et bien sur, l'amour qu'il porte à Lily Evans. Et celui qu'il ne te porte pas à toi, Lizee.

- Bien essayé...Mais je ne te crois pas...Et même si s'était vrai, ce dont je doute fort, je ne lirais pas ce qu'il écrirait...Je sais ce que lui fait son père, et tout le monde à Poudlard est au courant de ce que lui font les Maraudeurs...

Peste. Ne laissant rien trahir de ma colère, je lui fis un sourire enjôleur puis agita la délicate clef sous son nez. Je compris alors qu'elle ne changerait pas d'avis et dans un mouvement gracieux, je remis la clef sous les jupons.
Lizee était toujours sur le fauteuil et moi aussi, mais en tendant la main, je réussis à lui toucher le bras. Ma peau était glacée contre la sienne. N'ayant cure de ces écarts de températures, je lui enfonçai mes ongles dans le bras.

- Ecoute petite, Rogue a déjà jeté assez de honte sur notre maison, et je dois l'arrêter. C'est une question d'avenir. Si en plus, il anéantit ton coeur et ta vie quand tu te rendras compte qu'il ne t'aime pas, je me juge en droit de vous arrêter tous les deux, sifflai-je de ma voix de serpent.

Je lui lâchai le bras puis me calait plus confortablement contre le dossier du fauteuil. Je dépliai puis repliai mes jambes et dis :

- J'ai tout d'abord essayé de te convaincre. Puis, je t'ai ensuite proposée de découvrir la vérité sur Rogue, comment il s'amuse à tuer les mouches d'un coup de baguette quand il s'ennuie, etc. Là, je t'ai menacée. Si tu ne veux toujours pas le laisser, je vais devoir intervenir d'une manière plus douloureuse.

-C 'est donc tout ce qui t'importe ? L'avenir de Serpentard ? Je te ferais remarquer qu'au départ, Serpentard et Gryffondor étaient "les meilleurs amis du monde", tu n'auras cas demander vérification au choixpeau, ou bien dans l'histoire de Poudlard. Et puis, cela m'étonnerait que le fait que je sois avec Severus change beaucoup de chose pour l'avenir de Serpentard... Nous ne sommes pas les premiers à... Faire un rapprochement entre les deux maisons, et sûrement pas les derniers... Et tu peux dire ce que tu veux, je l'aime et je suis persuadée que c'est réciproque, cela l'avancerait en quoi de faire semblant ?

Je soupirai, fis glisser une nouvelle fois ma main dans mes jupons puis fermai les yeux un instant. Comparées à mes mains, mes cuisses étaient brulantes et la nuit s'annonçait fraîche. Le contact chaud contre froid m'éclaircit les idées et je dis, les paupières toujours closes :

- Je me fiche bien de l'avenir des Serpentard. Seul compte mon avenir. Je ne veux pas devenir une de ces femmes à la beauté parfait mais dont la vie ne se résume à rien. Je trouverai sans doute un mari Sang-pur, bourré d'argent et qui ne me laissera aucune liberté. Tu vois les gens de ma promotion ? Ils sont très très importants. Si j'arrive à les convaincre que je peux contrôler la situation et affirmer mon statut de " Princesse ", je pourrais avoir un avenir qui me plaît. Ca avance beaucoup Severus de faire semblant. Cela l'aide à l'occuper, à rendre Evans jaloux, à montrer qu'il n'est pas comme les autres Serpentard.

J'ouvris les yeux, dardant mon regard sur elle :

- Mais tu empiètes sur son avenir. Il ne s'en est peut-être pas rendu compte mais bientôt, il verra que votre relation lui ôte toute possibilité. Et ensuite, il y a eu en effet des rapprochements entre Lion et Serpent. Mais qu'avec des gens sans intérêts, ne disposant pas de la moindre goutte de puissance... Et si c'est le cas, ils ont été reniés et exclu.

Je soupirai, une nouvelle fois.

Lizee était amoureuse, je le voyais bien. Il ne restait donc que le dernier moyen. Après combien d'humiliations, d'insultes et de piques, de méchancetés de la part de ses amis allait-elle devoir subir avant de se rendre compte que Severus n'en valait pas la peine ?

Beaucoup, me soufflait mon intuition.

- J'ai ai marre de devoir tout le temps me justifier, m'expliquer. Je te le répète une dernière fois. Lâche Severus.

J'enlevai mes mains de mes jupons, sortis ma baguette, sans pour autant l'utiliser ou la menacer avec.

- Je crains sinon de devoir être vraiment moins gentille.

- Pourquoi est-ce que vous cherchez à chaque fois à détruire ce qui mets le plus précieux ?

Je ne compris pas nécessairement le vous, mais répondis, levant ma baguette :

- Pour mon cas, ma chère, ce qui tu as de précieux et aussi dangereux.

Alors que j'allais lancer un sort, elle fit :

- Et de toute façon, quoiqu'il en soit, il est beaucoup trop tard pour que je fasse marche arrière...
- Tu crois ? Il n'est jamais trop tard pour prendre des courbes...

Je me levai d'un geste gracieux. Le combat avait-il commencé ?

- Et bien vas-y, puisque tu en a tellement envie de me lancer un sort... Mais il y a très peu de chances que tu ne me fasse changer d'avis...

Elle planta son regard dans le mien. Je n'y discernai aucune émotion. Ce qui ne me dérangea pas le moins du monde.

- Ne t'inquiète pas, je ne suis pas du genre à me dégonfler...

Et dans ma tête, je prononçai tout en agitant ma baguette : " Expelliarmus " puis " Oubliettes Amour Rogue ". Et j'attendis.